TRANSPARENCE ET VISIBILITÉ DANS LES ENTREPRISES

Publié le par Hubert FAES

Dans une interview publiée dans Harvard Business Review du 8-11-2018, le PDG de SLACK, Stewart Butterfield, explique ce que cette plateforme apporte à la communication des entreprises. Elle fournit des moyens qui la rendent transparente, ce qui crée un climat de confiance dans les rapports entre les collaborateurs, et entre ceux-ci et l’entreprise; tous ont en effet accès à tout ce qui se publie dans l’entreprise. L’utopie d’une transparence complète imbibe souvent les discours promouvant les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication).

Une transparence équivalant à une visibilité totale était déjà recherchée dans les dispositifs panoptiques qui permettent à quelqu’un de tout voir non seulement en tout lieu de l’espace mais aussi tout au long du temps. Mais elle n’était possible que pour l’occupant d’un lieu central d’où l’on pouvait tout voir. Avec les nouveaux moyens de communication, il est envisageable que tous puissent tout voir chacun depuis le lieu où il se trouve. C’est en tout cas ce que le PDG de SLACK veut offrir.

Mais l’annulation de toute invisibilité qu’est la transparence élimine aussi la visibilité puisque c’est le visible qui devient transparent pour laisser voir ce qu’il cache. Dans la transparence, le visible perd toute consistance, il est pure immédiateté, laissant place à d’autres immédiatetés tout aussi passagères. Le réel perd sa profondeur. Grâce à SLACK, l’entreprise devient virtuelle; elle n’occupe plus un lieu réel où tout n’est jamais visible de partout en même temps. Elle n’existe que par des échanges que permet un système et dont les traces demeurent accessibles à tous les participants.

Dans tout dispositif censé assurer la plus grande visibilité, le dispositif lui-même reste caché. Dans une prison à l’organisation panoptique, le prisonnier ne peut pas voir qui le regarde. Dans une entreprise transparente à elle-même, même si le but n’est pas le contrôle ni la surveillance, la mise en œuvre du système qui permet cette transparence mériterait tout de même un examen plus approfondi. À supposer que les rapports soient parfaitement horizontaux et sans contrôle exercé par la direction, resteraient cachés le rôle du tiers à savoir la plateforme de communication, les moyens qu’elle met en œuvre et la gestion qui en est faite.

Le réel est donc toujours quelque part et derrière l’entreprise dématérialisée, déréalisée, il y en a une autre, bien réelle,  avec ses algorithmes et ses serveurs.

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